Concours Centre Peter McGill
Montréal, QC
Lors du dépôt de notre approche conceptuelle à la première étape du concours, nous avons annoncé un programme de travail ambitieux : décomposer les programmes de salle de spectacle, de bibliothèque et de centre communautaire afin de donner naissance à un projet qui brouille, voire même qui élimine les frontières entre ces entités programmatiques. Nous avons également souhaité que l’identité même du centre Peter-McGill émerge de ce travail de recomposition en plus de témoigner de l’omniprésence du numérique et de s’imprégner d’une signature musicale attendue par ses protagonistes. Voici ce qui, à ce jour, découle de nos réflexions.
I. Indétermination
Lors de la visite lieux, nous avons constaté que l’espace mis à la disposition du projet par la ville, possédait déjà par son ouverture, sa lumière, ses matières brutes et son indétermination, une qualité indéniable que nous avons souhaité préserver : celle de constituer un champ des possibles. Tout comme le projet que nous proposons aujourd’hui, l’espace d’origine est un espace potentiel, un canevas qui, malgré certaines contraintes, demeure ouvert à l’imagination, au projet, celui qui dépassera de loin les limites de nos interventions. Par cette ouverture, nous souhaitons d’abord le soumettre à la conception intégrée puis le transmettre à ses opérateurs, à ses futurs idéateurs, à la population même du secteur qui y sera impliquée et qui en prendra possession et le transformera au fil du temps, notamment par l’entremise de la cogestion.
Afin de compromettre dans un premier temps les entités programmatiques de la salle de spectacle, de la bibliothèque et du centre communautaire et de retrouver une certaine forme d’indétermination, nous avons fait appel aux typologies du musée et de la galerie d’art. Espaces dédiés à accueillir des expositions, des événement et des objets de nature différente, le musée et la galerie d’art offrent d’abord et avant tout une enceinte et une infrastructure : enveloppe, circulations, éclairage, grilles et perches d’accrochage, planchers et plafonds flexibles sont essentiellement pensés et constitués dans le but d’accommoder de multiples formes de mise en exposition et d’accueillir des artéfacts de nature et de dimensions diverses. Dans le projet, le passage de l’espace brut tel qu’il nous a été confié, à un espace de typologie muséale, permet à notre avis de maintenir une partie de l’espace potentiel de départ.
C’est donc dans cette optique que nous avons d’abord pensé le centre Peter-McGill, lequel se présente initialement et partiellement sous la forme d’un musée ou d’une galerie d’art où un plancher et un plafond technique sont installés sur la totalité du projet, offrant une flexibilité maximale et maintenant un maximum d’indétermination. Le cloisonnement étant maintenu au minimum, il nous apparaît tout à fait probable de transformer et de moduler l’espace, voire même de changer la destination de certaines pièces avec peu de moyens. Une telle approche pourrait également être assimilable à la planification d’une foire commerciale ou artistique où seules les circulations sont déterminées alors que le reste demeure ouvert à l’imaginaire des exposants.
Le plafond à caissons ici proposé a été développé comme un véritable dispositif scénographique et technique intégrant protection incendie, ventilation, éclairage, acoustique et dispositifs d’accrochage pour rideaux ou autres équipements spécialisés. Individuellement adressables et soutenus par un système de contrôle d’éclairage centralisé, chacun des caissons constitue en quelque sorte une source d’éclairage complexe offrant une infinie de possibilités afin de moduler les ambiances et de transformer l’espace. Lorsque nous y ajoutons les possibilités scénographiques, les caissons permettent en définitive de considérer la totalité du centre Peter-McGill comme un forum citoyen ou encore comme une salle de spectacle ou une salle d’exposition où des événements éphémères et variés peuvent être programmés. Un bandeau lumineux constitué de dalles d’affichage numérique assemblées en continu et installées à la verticale au périmètre du système de plafond, permet, sur les deux étages, de diffuser vers l’extérieur images, contenus et informations. Cette stratégie permet notamment d’adresser la ville par la lumière et la couleur, de signaler au loin la présence du centre sans toutefois affecter la tonalité et la texture des intérieurs.
II. Hybridations
Nous avons poursuivi notre réflexion sur les meilleures manières d’assouplir les frontières entre les programmes. Ne pouvant défaire l’unicité du programme de la salle de spectacle ou de la salle d’exposition ou même à la rigueur de la bibliothèque et de son fonctionnement réglé, nous avons plutôt opté pour en extraire les codes et éléments caractéristiques et les recomposer de manière inattendue. À petite échelle, ce travail a donné naissance à un ensemble d’objets à la fois ludiques et intriguants placés en des endroits stratégiques de l’espace. Ces dispositifs que nous avons nommé hybridations, sont des installations à programmer qui, comme nous le suggérons ici pourraient accueillir des compositions d’instruments de musique, des vivariums, des ouvrages de référence, bref tout une diversité d’objets et d’ouvrages selon les directions prises par le centre. Équipées de bancs, de miroirs et de rideaux de velours, ces hybridations peuvent aussi prendre la forme de cabinets de curiosité intimistes ou encore de vitrines plus ouvertes et volubiles. Nous les avons perçues comme une manière de véhiculer la signature musicale du centre, de mettre en valeur les artistes, groupes, produits et créations des artisans du secteur.
III. Hétérotopie(s)
La culture numérique Partant du constat que la culture numérique demeure indissociable de l’espace virtuel auquel nous accédons par l’entremise de divers dispositifs, téléphones, tablettes et écrans de toutes sortes, nous avons souhaité faire apparaître cet espace inaccessible par le jeu des transparences et des reflets. Matières réfléchissantes sur certaines portes sélectionnées dont les portes des ascenseurs et de la salle de spectacle, verre sans tain pour les antichambres, cabanes musicales et certaines surfaces choisies, plafonds voutés et lustrés constituent, autant de stratégies matérielles qui dédoublent l’espace et installent dans le projet un espace à la fois proche et inaccessible et qui brouille une fois de plus les frontières. Cette approche simple nous apparait intéressante dans la mesure ou elle offre à l’individu ou aux groupes l’occasion à la fois ludique de se voir « eux-mêmes » comme étant projetés dans un espace autre et, peut-être de manière un peu plus poussée, de se voir eux-mêmes comme des acteurs à part entière du centre Peter McGill. L’accès à l’espace virtuel ainsi concrétisé dans la matière du projet n’est plus uniquement réservé qu’aux écran. Il apparait et se manifeste ainsi sous diverses formes.
Oasis
Une oasis constitue également par définition un espace autre qui, par le contraste, sollicite l’imaginaire et suscite l’émotivité. Afin de s’éloigner du bruit et d’une certaine surstimulation visuelle générée par le centre-ville, nous avons tenté de mettre en œuvre le contraste souhaité en nous rapprochant des espaces de nature spirituelle, à l’intérieur desquels une émotion à la fois de grandeur et de calme se dégage très souvent. Ainsi, dans un premier temps, nous avons mis en œuvre un ensemble de plafonds surhaussés, de voûtes réfléchissantes et lumineuses venant interrompre le système à caissons et accompagnant la circulation déambulatoire. Placée dans l’axe des deux entrées, la voûte principale, linéaire et d’une hauteur impressionnante, nous mène naturellement à l’agora alors que les voûtes secondaires nous dirigent vers les circulations verticales et les principaux secteurs d’activité du centre.
Dans un deuxième temps, afin d’appuyer cette stratégie spatiale, nous avons élaboré une matérialité sobre relevée par des matières plus riches et plus denses comme le laiton et les rideaux de velours. Soutenue par une impression d’intemporalité dégagée par des escaliers et une signalisation discrète ainsi que par une élimination de toute pollution visuelle, l’ambiance des lieux se rapproche en ce sens de celle du canevas et laisse place à l’expression de la couleur amenée par les gens, par les objets, par les ouvrages par les écrans divers et par le contenu des vitrines d’exposition.